02 décembre 2006

La revue Science & Vie envahie par le paranormal et la religion

Je vous relaie une tribune de Jean-Paul Krivine parue sur le site Acrimed à propos de la relation entre la revue Science & Vie et le paranormal.



Il est loin le temps où Science & Vie informait ses lecteurs sur les dangers de l’irrationnel et sur les prétentions scientifiques des partisans du paranormal. Singularité de la presse grand public (Science & Vie est largement diffusé, près de 300 000 exemplaires), ce magazine s’honorait de ne pas succomber aux sirènes des fausses sciences, et poursuivait sa mission d’information scientifique auprès d’un large public. Michel Rouzé, fondateur de Science et pseudo-sciences, était lui-même un collaborateur régulier de Science & Vie. On se souvient d’une rubrique épinglant régulièrement tel produit homéopathique, telle proclamation astrologique. Le courrier des lecteurs témoignait de certaines des réactions provoquées, mais aussi de la constance de la rédaction dans son argumentation sans complaisance.

Depuis plusieurs années, il semble que la ligne éditoriale ait changé. La revue Science et pseudo-sciences a déjà dénoncé plusieurs dossiers ou articles, peu sérieux scientifiquement, et largement complaisants[[Voir par exemple Science et pseudo-sciences n° 269 - Dieu et la Science- ou Science et pseudo-sciences n° 263 sur l’alchimie]. Le dernier numéro Hors Série de Science & Vie (n° 276 de Septembre 2006) nous offre un exemple remarquable de parti pris et d’approximations. « Les miracles : concevoir l’inconcevable », tel est le thème qui y est développé.

Des « faits avérés »

Les miracles sont une réalité. La lecture du magazine ne laisse aucun doute. Un « petit florilège des prodiges chrétiens » est exposé (page 18), des stigmates à la lévitation, en passant par les apparitions et la vision. Pas de conditionnel, pas de distanciation (comme par exemple, « au dire des croyants »). Suit alors, sur une vingtaine de pages, une minutieuse description du mécanisme d’homologation des miracles de Lourdes : les différents comités et instances, les trois étapes pour l’homologation d’un dossier, les sept critères de validation, la mise en œuvre de « procédures fiables », avec longues citations d’ecclésiastiques visant à nous convaincre que les guérisons observées « sont réelles, avec toutes les preuves accumulées par les documents médicaux avant et après ». Mais rien ne remplace le vécu pour frapper le lecteur. Anna Santaniello, 95 ans maintenant, miraculée à Lourdes en 1952, fait l’objet d’un article digne de Paris Match. [...]

Inexplicable est un terme qui revient d’ailleurs souvent. Là où « inexpliqué » relève de l’objet même de la science, « inexplicable », avec son statut définitif, ouvre le champ aux miracles, à l’intervention divine. L’éditorial (page 3) donne d’ailleurs le ton en affirmant que « le fait est désormais qu’on questionne l’inexplicable à partir d’un ensemble d’interactions empiriquement établies ». Questionnement dont il ne faut pas attendre une explication, mais simplement de quoi « conforter [les] convictions rationalistes » des non-croyants en leur permettant de démasquer les superstitions, là où les croyants pourront en faire « l’outil rationnel d’un filtrage sévère, qui, in fine, génère une singularité miraculeuse par défaut d’explication » ( !).

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